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10 septembre 2009 4 10 /09 /septembre /2009 18:44
Rob commençait à peine à trouver le sommeil.

Il avait du mal à supporter sa petite puce savante, Sabryna, qui lui sautait sur le visage comme pour lui dire: "Oh, et moi alors? Tu me couches pas dans ma petite boiboite?" Il la goba d'un coup, et lui dit qu'elle n'avait qu'à dormir sur sa glotte pour cette nuit, elle serait bien au chaud... Faut pas déranger un Rob qui essaie de s'endormir!

La lumière de son salon s'éclaira tout à coup, et Rob vit face à lui son père et sa mère, armés de fourches et de faux. Et il n'était plus dans son petit studio mais dans une grange, couché au milieu du foin.

Ses parents le sommèrent de se lever tout de suite, que c'était la Révolution, et qu'un jeune homme digne de ce substantif comme lui se devait de combattre pour le peuple au lieu de se prélasser dans sa paillasse. Il se leva, en marmonnant qu'il n'était pas un slip Stantif, et d'ailleurs il ne connaissait même pas cette marque, il se leva, donc, et dit qu'il était toujours prêt, cracha par terre, en levant deux doigts vers le ciel, l'index et le majeur, et en prenant une bonne bouffe par son père qui lui dit qu'on ne crachait pas dans le foin, que c'était anti-démocratique, sale, puéril, malsain, dégoûtant et inutile.

Allez, il fallait se presser, il y avait foule devant la ferme des parents de Rob. Il faisait presque nuit et les camions de pompiers arrivaient en masses devant la maison voisine. Ils avaient déjà sorti la grande échelle. Le capitaine Sacha Deastel engueulait tout le monde car personne n'était foutu de lui dire où étaient passés les tuyaux, les tuyaux, les tuyaux. La mère de Rob râlait après tous les soldats du feu, en les traitant de noms de vertébrés ovipares couverts de plumes ayant deux pattes et deux ailes à la tête munie d'un bec et généralement adaptés au vol, c'est à dire d'oiseaux, pour faire court, et ce, d'après le dictionnaire Hachette. Car malgré Wikipedia, il m'arrive encore d'ouvrir ce vieil ouvrage poussiéreux, dont on tourne les pages avec les doigts, recueil des mots d'une langue rangés par ordre alphabétique avec leurs significations.

La mère de Rob, pour en revenir à nos moutons, s'en prit plus spécialement à une femme pompier qui se refaisait les ongles des pieds en roulant des patins à un jeune ado boutonneux même pas premier de la classe et qui n'en demandait pas tant, mais qui semblait néanmoins s'en contenter largement.

Rob remarqua que le volet de la maison voisine s'ouvrit et il en conclut, tel Sherlock Holmes, que quelqu'un devait être là, dans cette maison et même certainement derrière le volet. Il ne fit ni une ni deux, ni trois, d'ailleurs, et contourna la maison en prenant ses jambes à son cou, ce qui n'était pas très pratique pour courir, mais qui avait le mérite de le faire aller plus vite.

Il vit, à travers les planches de la grange derrière la maison - vous situez, là? - qu'il y avait du monde à l'intérieur. A l'intérieur de la grange, bien sûr. Pas sa grange à lui, non, la grange de la maison voisine qu'il venait de contourner. Il y avait un public, assis, sur des gradins, et des artistes qui jouaient de la musique et d'autres une pièce de théâtre. Ignorant ce spectacle, il continua son inspection, longeant les murs de la maison, et se trouva nez à nez avec la porte d'entrée.

C'est alors qu'il remarqua un petit chat qui le suivait dans tous ses mouvements. Il lui dit "bonjour", et démonta la porte d'entrée en la dégondant. Pas facile à faire, mais à Rob rien n'est impossible. Il tapota la poche revolver de son pantalon et se souvint qu'il avait toujours sur lui une vieille porte vermoulue et un four à micro-ondes. C'était au cas-où, ça pouvait toujours servir.

Il entendait la musique qui venait de la grange, et ça l'énervait, putain que ça l'énervait!

Lorsqu'il se fut débarrassé de la porte d'entrée dégondée, il constata qu'il y en avait une deuxième, juste derrière. Une autre porte! Et merde! Il n'allait pas passer sa nuit à dégonder les portes d'une maison en feu alors que la Révolution n'attendait plus que lui. Il entendit alors un rire, derrière lui. Un petit rire sadique. Il se retourna et vit un gros chat noir qui venait d'avaler le petit chaton, et une espèce de gamin à tête de tomate qui se fendait la poire! Oh! Il les fusilla du regard, ils tombèrent sous les balles.

Comme Rob connaissait l'ancien locataire de cette maudite maison, il décida d'abandonner sa mission. Je me permets de dire que c'est vraiment une excuse bidon! La pluie se mit à pleuvoir - j'adore - et Rob eut une idée de génie. Au diable la Révolution, il allait de ce pas chez son copain Oscar, un mec très sympa qui vivait à deux pas d'ici. De toute façon les pompiers étaient partis et tout était rentré dans l'ordre, et la femme pompier, larguée lachement par son boutonneux, était même carrément entrée dans les ordres.

Chez Oscar, il retrouva autour de la table du salon Féfé, le mousquetaire de la distribution et la belle Samantha, dont il était fou amoureux en secret et même qu'il ne l'avait jamais dit à personne. Oscar distribua les cartes tandis que Samantha montrait ses tatouages à Rob, qui les trouva fort beaux et fort bien placés. Oscar passa son tour, Rob dit "gage!" et Samantha piocha une carte "gage" qu'elle lut. Elle demanda à Rob de lui donner trois bonnes raisons d'adhérer au Menton National, le parti politique que le monde entier nous envie, et Rob avoua que ce n'était pas vraiment un thème de jeu, et d'ailleurs il en avait marre de ces trucs à la con, et "arrête de me faire chier avec tes thèmes de jeux alors que je t'aime!" Waou! Il l'avait dit!

Silence lourd...

Féfé tenta l'impossible pour détendre l'atmosphère, en glissant subrepticement sa main sous le chandail de laine de Samantha. Mais Rob avait détecté le mouvement. Il en était bouche bée. Samantha releva son chandail, laissant apparaître un soutien-gorge dont on comprit tout d'un coup l'utilité. Féfé le dégraffa, lentement, du bout des doigts, le système de fermeture étant situé à l'avant, entre les deux seins, c'était encore plus... Enfin, pas pour le pauvre Rob qui devenait fou de rage comme une cocotte-minute prête à cracher sa vapeur.

Le soutien-gorge se déposa, après une lente et interminable chute, sur les genoux de Samantha, qui ne disait rien. Et comme qui ne dit mot consent, Féfé lui massa délicatement les têtons, Samantha fermant les yeux en retenant son souffle, Oscar redistribuant les cartes.

Rob tua Féfé d'un coup de piolet qu'il trouva accroché sur le mur du salon, à côté de la tête de serf, et dit à Samantha qu'elle avait du bol, car il ne l'aimait pas assez pour la tuer d'amour. Elle se confondit en excuses et jura, juste à temps, qu'elle ne le ferait plus. En tout cas plus avec Féfé. Intermarché pouvait lancer un appel d'offre.

Quoi? Hein? On ne dit pas "serf" mais "cerf"? Ben non, je suis désolé, il s'agissait bien d'une tête de serf, avec un S, et non pas l'animal, mais bien le paysan du moyen-âge. Un trophée d'Oscar lors d'une chasse familiale. C'était son premier serf tué, il avait douze ans. Oscar, pas le serf. Alors? Non mais, je sais ce que j'écris, quand même!

Bon, Rob perdit la partie de cartes et Oscar et Samantha firent l'amour pour se rassurer de n'être que de viles créatures humaines dépourvues de scrupules. Notre Robby rentra chez lui, un peu déçu, et retrouva ses parents dans la cuisine. Son père l'attendait, les yeux rouges de colère. Sa mère était en pleurs. Non seulement il n'avait pas participé à la dernière Révolution, mais en plus il avait laissé tomber le surligneur jaune de la table de la cuisine et il ne l'avait pas ramassé, alors qu'il était passé au moins trois devant! Rob s'assit dans un fauteuil à roulettes et en le poussant négligemment avec les pieds, s'approcha du surligneur, qu'il ramassa, pour pas faire pleurer Maman et pour calmer Papa.

Il entendit du bruit venant du salon et il s'y rendit, après avoir salué son père en lui baisant les pantoufles à oreilles. Mais qui pouvait bien faire ce chahut?  C'était Pierre Bellemare et Denise Fabre qui procédaient à la vente aux enchères de leur vieux canapé en cuir vert caca d'oie. Ils n'en avaient plus besoin puisque Pierre allait mourir d'ici une cinquantaine d'années d'une grave maladie mortelle, c'était écrit dans le Quid.

Rob se souvint alors qu'il avait déjà vu ce canapé dans la chambre principale du château de Dracula pendant sa classe de neige en CM2 dans les Carpates, et se dit que le prince des Ténèbres avait dû le jeter aux oubliettes un soir où il avait trop bu.

Mise à prix: 212 euros! Adjujé! Vendu! Le père de Rob l'acheta. Rob en fut dégoûté! Pourquoi? Son propre père lui avait refusé la dernière figurine de Picatchoum version hard qui ne coûtait que six euros! Rob partit se coucher dans sa paillasse, déprimé, l'âme en peine. Il se sentait terriblement seul... Quelle vie, quelle poisse! Sabryna, sa petite puce savante, lui chatouilla la gorge. Il l'avala!

Rob commençait à peine à trouver le sommeil. Et d'ailleurs, cette nuit-là, il ne le trouva pas!

© David Carruezco



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